Christopher Hache - Le Crillon - Paris

Au rythme des saisons

«LA CUISINE EST MON MODE D'ACTION»

L’écologie est dans l’air du temps en cuisine aussi. Quand on demande à Christopher Hache de résumer sa cuisine en une phrase, il reprend une citation de l’Italien Angelo Pellegrini : « Rien ne vaut à forcer les rythmes de la nature car à chaque moment, il y a des saisons, des bons produits qu’il faut respecter, ainsi que l’environnement et l’écologie. »

Le cuisinier d’origine normande d’un côté et catalane de l’autre serait-il le nouvel apôtre de la « slow food », ce mouvement de retour au respect des saisons et à la protection des espèces menacées ? Sans cuisiner bio, il a banni le thon de la carte du Crillon pour apporter sa contribution dans la protection de cette espèce menacée. La cuisine a toujours été son mode d’action.

 

S’il finit par apprendre le métier de cuisinier, c’est parce que son père, maire de Hambach, l’y pousse. Il connaît quelques restaurateurs de la région et possède un étang de pêche rempli de poissons. A priori, il n’y a pas de lien logique entre ces deux caractéristiques de M. Roth.

 

Fils d’une hôtesse de l’air souvent en voyage, Christopher Hache passe une grande partie de son enfance chez sa grand-mère, qui tient une auberge à Saint-Nom la Bretèche. L’Auberge de la forêt propose des plats du terroir, des grands classiques, que Christopher aime voir préparer pendant le coup de feu. En observant, en sentant les parfums de cuisson, le petit garçon mûrit son projet de vie : il sera cuisinier. Il commence à 10 ans dans la cuisine de l’auberge, en étalant la pâte feuilletée et la pâte brisée. Puis vient le moment de commencer son apprentissage. Son premier stage, il le fait chez Bernard Loiseau. Une expérience qui le marque dès le départ. Tout de suite, Christopher Hache sait qu’il s’orientera vers la cuisine gastronomique.

 

C’est donc vers Régis Marcon et les cuisines de Lenôtre qu’il se dirige ensuite, avant de passer deux ans dans l’établissement de son père. Dans ce restaurant brasserie, il apprend les bases du métier, la rapidité et la dextérité. Muni de ces acquis, il rejoint les équipes d’Eric Briffard aux Elysées du Vernet. 

 
 

 

A 24 ans, après avoir fait l’ouverture du restaurant de Lucas Carton comme premier chef de partie rôtisseur, il devient sous-chef avant de quitter la maison pour faire l’ouverture du restaurant d’Alain Sanderens à Paris. Il y reste six mois avant de saisir une opportunité en or : rejoindre Eric Fréchon et le Bristol pour sa course à la troisième étoile. Trois ans là-bas, un an à la Grande cascade en tant que chef adjoint de Frédéric Robert, puis le jeune cuisinier obtient sa première place de chef. C’est en janvier 2010, quand Christopher Hache pousse les portes du restaurant les Ambassadeurs, au Crillon.

 

Les débuts sont rudes : il faut trouver une équipe, changer les cartes, mettre en place le restaurant gastronomique de cet hôtel mythique. Mais à 28 ans, aidé par son équipe et particulièrement par les femmes qui le soutiennent, le cuisinier réussit son pari. Un an plus tard, en mars 2011, le restaurant obtient sa première étoile.

 

Comme beaucoup de restaurateurs parisiens, Christopher se tourne vers le maraîcher Joël Thiébault et ses 20 hectares de cultures pour ses légumes. « Quelquefois, il fait pousser des graines du Japon », précise le chef. Or ces graines, ces épices et saveurs japonaises, le jeune Normand les a intégrées dans sa cuisine après les avoir découvertes pendant ses voyages. Il a donc ajouté un râpé de yuzu à ses langoustines rôties avec du fenouil fondant et croquant au jus et à la bisque. L’agrume japonais, qui s’apparente à la fois au citron et au pamplemousse, apporte au plat une touche de fraîcheur.

 

Quelques touches de Bretagne aussi dans la cuisine de Christopher : le poisson provient de La Houle, un poissonnier du Finistère, basé à Saint-Guénolé. Le chef a aussi fait le choix du beurre Bordier dans ses cuisines, comme de nombreux autres chefs.

 

C’est que le goût doit être travaillé, à partir de produits excellents. Christopher Hache revendique une cuisine « néoclassique ». Il présente aux clients des assiettes lisibles, construites à partir des produits, de l’esthétique, du dressage et de la finition. « On a l’impression que l’assiette est simple, mais elle est en fait complexe », récapitule-t-il.

 

 

 

C’est le cas par exemple du plat qu’il recommande, le pigeon de Vendée avec sa garniture façon tatin. Il s’agit d’une compotée de pommes légèrement vinaigrée et moulée dans des cadres, accompagnée d’oignons grelots coupés en deux, confits et colorés et d’un feuilletage collé. 

 

Avec ce plat, le chef, qui aime aussi particulièrement cuisiner le gibier, rend au terroir la place qu’il doit occuper dans les assiettes. Quant à la cuisine moléculaire, si elle a eu son heure de gloire, notamment grâce au jeu de textures qu’elle permet, Christopher Hache n’est pas convaincu de son efficacité en termes de goût. « On mange de l’air, on n’a pas assez mangé et on n’est pas rassasié. On est très loin d’une cuisine de terroir », considère-t-il. Le chef est persuadé que cuisiner des saveurs salées et préparer des desserts sont deux métiers différents. Aussi, il se concentre sur la première partie du repas. Aux Ambassadeurs, les préparations sucrées ont été confiées à un chef pâtissier, Jérôme Chaucesse.

 

Lorsqu’on lui demande quel effet cela fait de travailler dans le monde du luxe, Christopher Hache semble partagé. « La définition du luxe, c’est d’avoir le choix et le meilleur en termes de produits. Mais il faut aussi savoir se remettre en question tous les jours », répond-il. Pour l’aider à maintenir le rythme, à gérer au quotidien une équipe de 50 à 60 personnes, le jeune chef pratique le sport – squash et footing. Il fait aussi partie d’un petit club de football à Ivry où il joue avec des amis d’enfance pour évacuer le stress. « Etre sain, c’est avant tout être bien dans sa tête et dans son corps », commente-t-il.

 

Et dans l’assiette ? « Il faut prendre conscience que l’on doit cuisiner une cuisine de saisonnalité, c’est-à-dire respecter l’écologie. Par exemple, le cabillaud, il faut le laisser se reproduire en janvier et en février », explique Christopher Hache. Qui a dit que luxe et écologie ne faisaient pas bon ménage ?

 

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