Sylvain Guillemot - L'Auberge du Pont d’Acigné-Noyal-sur-Vilaine

Le talent en mouvement

« IL FAUT DONNER LE MEILLEUR DE SOI »

« Ma mère m’a fait goûter au plaisir de la cuisine, et dès 7 ou 8 ans, je lui ai dit que je voulais ouvrir un restaurant », se souvient Sylvain Guillemot. Il met ce projet de côté jusqu’à ses quinze ans, lorsqu’il atteint l’âge d’entrer en apprentissage. Pendant deux ans, le jeune Breton découvre le travail en cuisine à Rennes, au Restaurant du palais. Dans cet établissement étoilé, il apprend la rigueur. « Le chef ne tolérait pas la médiocrité dans le métier », raconte Sylvain.

 

Il accorde aussi beaucoup d’importance au terroir, ce à quoi le jeune apprenti n’est pas très habitué. Le premier plat qu’il se rappelle avoir mangé en Bretagne n’est pas la traditionnelle galette du vendredi, mais un couscous. Sa mère avait appris à le préparer auprès d’une voisine kabyle qui tenait une boutique.

 

Une fois l’apprentissage terminé, Sylvain Guillemot quitte le restaurant de la place du Palais de Bretagne pour le Pen’Roc. Un jardin potager accompagne le restaurant et les cuisiniers y cueillent les herbes qu’ils utilisent dans les plats. Sylvain Guillemot se souvient avec émotion de cette expérience qu’il rapproche de l’autarcie. Une expérience qui lui a aussi permis de rencontrer celle qui deviendra son épouse dans la suite de l’histoire.

 

Après le Pen’Roc, c’est l’Auberge bretonne de Jacques Thorel qui ouvre ses portes à Sylvain. Dans ce restaurant de La Roche Bernard, le jeune cuisinier se souvient avoir travaillé des produits du marché, dans une cuisine très tournée vers la mer. 

 

 
 

Il se rappelle également le travail important qui était réalisé sur les jus et les bouillons. Et aussi une petite bataille régionale : « Entre Jacques Thorel et Olivier Roellinger, c’était un genre de bataille nord-sud. La Roche Bernard contre Cancale », s’amuse Sylvain.

 

 

Comme il a décidément la Bretagne dans le sang, lorsque Sylvain Guillemot se décide à quitter la région pour Paris, c’est pour aller travailler à l’Arpège, avec Alain Passard. « Chef breton s’il en est un à Paris ! » commente-t-il. S’il devait choisir trois mots pour résumer son passage à l’Arpège, Sylvain choisirait « abondance » et « qualité » pour les produits, et « rigueur » pour la préparation en cuisine. Plusieurs fois par semaine, il assiste à l’arrivée depuis les quatre coins de la France des ingrédients qu’il travaillera au restaurant. En trois ans, le jeune Breton, qui avait débuté comme commis, devient second de cuisine.

 

 

L’endroit, qu’il qualifie de véritable laboratoire, le travail, son évolution – tout le réjouit à l’Arpège. « J’étais un gamin dans un élément qui lui convient à merveille », confie-t-il. Mais lorsque sa future épouse rejoint aussi les équipes d’Alain Passard, elle lui rappelle son projet initial : se mettre à son compte, ouvrir son propre restaurant.

 

Alors âgé de 24 ans seulement, Sylvain Guillemot entreprend les démarches nécessaires. Sa compagne ne souhaite pas rester à Paris. Comme Sylvain connaît bien l’univers rennais, ils choisissent de s’installer en Bretagne. L’Auberge du pont d’Acigné est une maison de maître construite il y a 150 ans, entre les communes de Pont d’Acigné et Noyal-sur-Vilaine. « C’est très apaisant, assure-t-il. On s’est dit que ce serait un bon moyen d’y construire notre famille. »

 

Le chef est fier de sa salle panoramique, ouverte à 180° sur un paysage naturel de bord de Vilaine. Ouvert depuis quinze ans, le restaurant de Sylvain Guillemot est décoré d’une étoile au guide Michelin. Un macaron qui récompense peut-être plus sa démarche en cuisine que des plats bien spécifiques. Car, le chef l’avoue lui-même : « J’ai du mal à être figé sur des plats ».

 

Un autre produit fétiche du cuisinier : le beurre Bordier (à 7 ou 10 grammes de sel), qu’il est s’estime légitime pour cuisiner. Heureux d’être breton, Sylvain Guillemot se réjouit aussi d’être installé à Noyal-sur-Vilaine, près de l’un des derniers minotiers de la région. Cela permet au chef d’aller acheter la farine pour faire lui-même le pain qu’il sert à l’Auberge du pont d’Acigné.

 

Peut-être est-ce une leçon qu’il a retenue du temps passé au Pen’Roc, où l’on cuisinait ce qu’on cultivait : Sylvain Guillemot privilégie les produits de la région. « Moins le produit transite, plus on est dans le vrai et plus on fait fonctionner une économie un peu à part », affirme-t-il.

 

Plein de convictions, le chef a fixé l’honnêteté comme ligne de conduite pour son restaurant. Dans ses cuisines, il cherche à aborder le produit d’une manière simple de manière à établir une relation de confiance avec le client. La sommelière de l’auberge travaille avec lui depuis près de dix ans. Elle propose entre autres aux clients un vin rouge pétillant légèrement sucré de M. Breton, appelé le « Why not ? ». Sylvain Guillemot s’en est inspiré pour proposer un dessert à la betterave.

 

C’est peut-être l’une des forces de Sylvain Guillemot : il reconnaît qu’on ne peut pas toujours être le meilleur. « Nous sommes des gens de passage. Il faut donner le meilleur de soi pour ceux qui nous entourent. Mais quand on n’est pas vraiment au top, il faut l’accepter et se pardonner pour pouvoir être meilleur le lendemain », philosophe-t-il. Et pour se perfectionner, quoi de mieux que d’essayer toujours d’inventer de nouvelles recettes ?