Baptiste Poinot - Flaveurs - Valence

L'innovation ou rien

 

Les flaveurs, ce sont les sensations gustatives perçues aussi bien par le nez que par les papilles au moment de la mise en bouche d’un aliment. Flaveurs, c’est aussi le nom du restaurant étoilé, créé en janvier 2006 à Valence par Baptiste Poinot. Un véritable retour aux sources du jeune chef, né dans la Drôme il y a une trentaine d’années.

 

Ses parents n’ont pas de lien avec le monde de la cuisine. L’intérêt de Baptiste pour la restauration est à rechercher chez ses grands-parents. D’un côté, un grand-père charcutier et traiteur. De l’autre, une grand-mère qui aime recevoir. Il faut ajouter à cela un environnement familial très attaché aux choses simples et aux bons repas. Tout ce cocktail fait qu’à la sortie du collège, quand il a 14 ans et qu’il doit réfléchir à son orientation, Baptiste s’aperçoit que ce dont il a envie, c’est de devenir cuisinier.

 

Le jeune garçon passe quatre ans à l’école hôtelière de Vienne, dans l’Isère. Il y fait la connaissance de Guy Thivard, longtemps chef au restaurant la Pyramide, à Vienne. « J’ai bénéficié du savoir d’un maître de la vieille école. Ce chef m’a donné en partie ce fameux déclic », affirme Baptiste Poinot. Cette rencontre le pousse à chercher à travailler dans des restaurants gastronomiques. A la sortie de l’école, il part à Pont d’Isère, à une dizaine de kilomètres de la maison de ses parents, comme commis chez Michel Chabran

 

 
Quand le chef Bruno d’Angélis quitte le restaurant pour l’Hôtel d’Europe, en Avignon, Baptiste le suit. Pour le jeune cuisinier, Bruno d’Angélis est un mentor : « Il m’a apporté une fibre et l’essence de ce qui est à la base de ma cuisine aujourd’hui », confie-t-il.

Mais assez rapidement, le jeune Valentinois cherche à se rapprocher du cocon familial. Il travaille un an dans le restaurant le plus réputé de la ville, la maison Pic. Pour la première fois, Baptiste Poinot est amené à travailler dans une brigade de plus de dix personnes (il y a 25 cuisiniers dans le deux étoiles de Valence). Lui est embauché assez bas dans l’échelle, comme demi-chef de partie. Il découvre dans cet établissement familial des plats traditionnels raffinés comme le loup au caviar de Jacques Pic ou le chausson aux truffes d’André Pic. Cette expérience lui ouvre des portes qu’il n’avait pas soupçonnées jusqu’alors. Philippe Féraud, qui a exercé comme chef dans un palace londonien, lui propose une place de second de cuisine.

 

C’est le premier poste à responsabilités pour le jeune Baptiste Poinot, qui décrochera ensuite sa première place de chef dans un petit restaurant situé en périphérie de Valence nommé Sous les pins. « La personne qui m’a proposé de reprendre l’établissement avec elle m’a donné carte blanche pour l’élaboration de la carte. Je pouvais enfin tester ma cuisine », se remémore Baptiste. Il travaille un peu plus de deux ans dans ce restaurant, ravi de pouvoir enfin confronter ses propres recettes aux goûts de la clientèle.

 

Lorsqu’il finit par partir, c’est en raison de problèmes de gestion : n’ayant pas pu embaucher de nouvelles personnes, le chef se sent contraint de reproduire les recettes qu’il a déjà créées. Il estime ne pas avoir eu suffisamment de liberté pour pouvoir innover plus et préfère partir. Car à ce moment, on lui propose aussi de partir à Oxford, dans les cuisines du Manoir aux quat’saisons de Raymond Blanc, deux étoiles au guide Michelin. Baptiste y passera un mois avant de revenir en France, pour la première fois dans des restaurants de la capitale.

 

Entre L’Atelier de Joël Robuchon et le Trou gascon d’Alain Dutournier, Baptiste Poinot se rend compte que la vie parisienne ne lui plaît pas. Et ce n’est pas seulement la ville : « Faire la cuisine d’un autre ne me correspond pas du tout », explique celui qui a goûté, pendant deux ans, au plaisir de créer ses plats de A à Z.

 

Une dernière saison en tant qu’employé dans un restaurant gastronomique, les Bories, sous la direction de Pascal Ginoux dans le Lubéron, et le cuisinier se lance enfin : il retourne dans sa région natale et ouvre son propre restaurant.

 

Un restaurant qui, quoique étoilé, ne se décrit pas comme un établissement gastronomique. Et pourtant, son chef propose une cuisine à la présentation très graphique et aux saveurs recherchées. Pour le bœuf, le chef du restaurant Flaveurs a choisi le bœuf Wagyu, cette race japonaise dont la graisse, située à l’intérieur des muscles et non autour d’eux, donne un goût délicat. Il fait venir sa viande d’Espagne, d’un élevage où un soin particulier est apporté aux bêtes, qui subissent régulièrement des séances de massage, auxquelles on fait écouter de la musique classique et dans l’eau desquelles on ajoute de la bière.

 

En dessert, Baptiste conseille sa poire pochée aux épices avec une mousse de spéculoos. Il l’assortit d’un sorbet poire williams fruits de la passion, d’une chips de poire et d’une feuille de chocolat Manjari, acheté à la chocolaterie Valrhona de Tain l’Hermitage. Toutes ces recettes font du restaurant Flaveurs « l’affaire à suivre du moment » selon le Gault et Millau.