Mickaël Tanguy 
Le Belouga - Perros-Guirec

Le monde est la cuisine

«S'OUVRIR L'ESPRIT EST ESSENTIEL»

 

Son nom est breton, il est né en Bretagne et il y travaille aujourd’hui, mais Michaël Tanguy a appris à cuisiner en voyageant dans toute la France. La fin de son apprentissage, il la situe il y a trois ans seulement, lorsqu’il quitte les cuisines de Thierry Marx à Bordeaux pour devenir enfin chef à son tour. Avant cela, Michaël fait un long périple dans diverses régions. Un périple qui commence en Bretagne, près de Paimpol, dans le nord des Côtes d’Armor.

 

A la fin de la 5e, alors âgé de 14 ans, le jeune garçon quitte le collège. Il se dirige vers une école hôtelière, plus par défaut que par réelle envie de devenir cuisinier. « Je n’étais pas convaincu que ce serait mon métier par la suite », reconnaît-il. Pourtant, il passe quatre ans à l’école, obtient CAP et BEP et finit par se lancer.

 

Michaël débute son service militaire à Saint-Malo pendant deux mois. Puis il prend la direction de Paris : on lui propose de passer les mois restants au ministère de l’Intérieur, en tant que cuisinier. Tandis que plusieurs chefs se remémorent avec émotion leur passage dans les cuisines des ministères, Michaël Tanguy n’est pas vraiment enchanté par l’expérience. Il cherche à entrer dans la vie active. Au bout de deux mois, il trouve son premier emploi, auprès du jeune chef basque David Etchéverry, qui souhaite monter son affaire. Michaël Tanguy se joint à lui pour l’ouverture du restaurant. En plus du travail des produits, il apprend l’organisation du travail et les normes d’hygiène. « On avait pas mal de petits soucis, mais c’est le lot commun de toute entreprise qui débute. C’était même parfois archaïque », se souvient-il. 

 
 

 

Au bout d’un an, Michaël quitte l’établissement. Il souhaite désormais travailler dans des restaurants étoilés. « J’ai trouvé une annonce déposée par Bernard Loiseau, qui cherchait quelqu’un pour ses brasseries à Paris, raconte-t-il. J’ai pensé que c’était une bonne occasion. » Cela ne fait aucun doute : en rejoignant la brasserie de Bernard Loiseau, Michaël Tanguy fait la connaissance du chef Arnaud Magnier. C’est grâce à lui qu’il réussira finalement à travailler pour un restaurant étoilé, la Pyramide, de Patrick Henriroux, deux étoiles au guide Michelin. « Cela faisait seulement deux ans que j’avais quitté l’école. C’était complexe au début et les gens étaient assez méfiants car je ne venais pas des restaurants étoilés, explique-t-il. Au bout de trois mois, j’ai commencé à me faire plaisir. »

 

 

Et un an plus tard, Michaël Tanguy quitte la capitale. Il part s’installer pour un an dans les Alpes, à Chamonix, dans le restaurant Albert 1er dirigé par Pierre Carrier. S’il a appris beaucoup de choses ? « Tant qu’on travaille dans le restaurant, on ne se dit pas que l’on apprend. C’est seulement quand on le quitte qu’on s’en rend compte », philosophe Michaël. Le Breton tombe amoureux des paysages savoyards et en vient à considérer les Alpes comme la région qu’il préfère après sa Bretagne natale. Une fois son année à l’Albert 1er terminée, il essaie de rester encore un peu en Savoie. C’est à Courchevel qu’il trouve alors une place, au Bateau ivre, le deux étoiles de Jean-Pierre Jacob. « C’est un chef très humain. Il calmait ses troupes, était très pro et simple », se rappelle Michaël.

 

Ce qu’il considère comme le meilleur choix de sa carrière est pourtant encore à venir. Après le Bateau ivre, Michaël Tanguy désire visiter le reste de la France. Il tente sa chance au Cordeillan Bages, à Pauillac. Il rencontre Jean-Louis Groschin, le sous-chef de Thierry Marx, qui lui ouvre les portes du restaurant gastronomique. Mickaël passera six ans dans l’établissement installé au sud de Bordeaux. Il y découvrira une nouvelle manière de travailler.

 

Pour beaucoup, Thierry Marx est l’apôtre de la cuisine moléculaire. Mais Michaël répond que « tout acte de cuisine est moléculaire ». L’utilisation d’azote liquide pour cuisiner les aliments est rare. En revanche, Michaël retient de son passage au Cordeillan Bages le travail sur l’architecture des assiettes et sur les goûts et les textures.

 

 

Lorsqu’il arrive à Pauillac, Thierry Marx essaie de modifier sa cuisine et met en place pour cela un laboratoire de recherche et développement. « J’ai eu la chance de travailler avec des architectes et des designers. Cela m’a ouvert l’esprit pour mon propre travail », indique Michaël.

 

Après cette expérience particulièrement enrichissante, le jeune cuisinier breton souhaite évoluer et devenir enfin chef. Il ne se ferme aucune opportunité et est prêt à voyager vers d’autres régions françaises. Mais la chance est avec lui : Patrice Jeffroy, le chef de l’hôtel de Carantec, l’informe qu’il y a une place à prendre à Perros Guirec, dans le restaurant de l’Agapa. La maison a beau être un hôtel cinq étoiles avec restaurant gastronomique et spa, Michaël ne le connaît pas. Il se présente stressé à l’entretien, lui qui n’a pas vu la Bretagne depuis treize ans, et qui n’a jamais travaillé dans une structure de 50 chambres avec room service en continu. Mais tout se passe bien : Michaël Tanguy devient le nouveau chef du Bélouga. Il constitue son équipe, prenant comme sous-chef l’ancien chef pâtissier de Thierry Marx, qui avait aussi travaillé pour Pierre Gagnaire.

 

Pour savoir ce que l’on mange au Bélouga, il suffit de se souvenir que Michaël Tanguy est un enfant du pays. Il aime cuisiner des saveurs bretonnes comme la Saint-Jacques, le bar et le cochon fermier. L’ormeau aussi, ce coquillage très emblématique de Perros-Guirec, pêché juste devant le restaurant. « Il est très iodé, je le cuisine simplement au beurre noisette. Il faut le taper avec un maillet entre deux torchons, comme quand on attendrit la viande. J’associe l’ormeau à des tubercules, au topinambour, à la truffe noire ou au cerfeuil », explique Michaël, qui cuisine le coquillage star pour ses clients de septembre à mai.

 

En mars 2010, un peu plus d’un an après l’arrivée de Mickaël Tanguy, le Bélouga obtient sa première étoile. Une consécration pour le chef breton qui aime s’assurer qu’il a tout fait pour satisfaire les gourmands. Il n’est donc pas rare de voir Michaël Tanguy se promener en salle. « La meilleure critique, c’est celle du client. »