Jean-Pascal Fayet - Sormani - Paris

Un italien à Paris

« TOUT BON ITALIEN RESPECTE SA MAMMA MAIS AUSSI SA NONNA »

Pascal Fayet va au-delà. En baptisant son restaurant le Sormani, du nom de sa grand-mère, il rend hommage à celle qui lui a appris son amour de la cuisine alors qu’il l’observait, gourmand, en train de cuisiner.

Pascal est né en France, d’un père haut-savoyard et d’une mère originaire de Toscane, entre Florence et Sienne. Même s’il grandit à Nanteuil-sur-Marne, en Seine-et-Marne, il considère l’Italie comme son berceau, au même titre que la France.

Quand il est enfant, ses parents dirigent un hôtel-restaurant, l’Hôtel de la gare. Sa grand-mère italienne vit avec eux, et c’est elle qui fait naître en lui un intérêt pour la cuisine. Petit, il la regarde préparer la pâte une à deux fois par semaine. « Elle mélangeait la farine, la semoule avec des œufs, de l’huile d’olive, de l’eau et du sel. Puis elle étalait la pâte pour ensuite soit la couper, soit faire des farcis avec de la farce aux épinards ou de la viande », se rappelle-t-il. Quand elle la coupe, elle la trace d’abord à la fourchette et utilise un couteau pour former les pâtes. Ce souvenir témoigne pour Pascal du rôle crucial qu’a joué sa grand-mère dans son éducation culinaire. A une époque où les hommes ne cuisinaient pas, elle instille en lui des influences italiennes qui reviendront plus tard dans sa cuisine.

 

L’apprentissage plus formel est bien plus français. Depuis son enfance, Pascal Fayet connaît un restaurant doublement étoilé, l’Auberge de Condé. Tous les mardis, les cuisiniers de cet établissement de La Ferté sous Jouarre viennent déjeuner au restaurant des parents de Pascal. 

 

 

Et à chaque visite, ils disent qu’ils prendront le petit chez eux plus tard. Quand Pascal se lance finalement dans la cuisine à 16 ans, ils tiennent leur promesse et le prennent en apprentissage pendant deux ans. Pour Pascal, c’est une véritable découverte. Lui qui a vu préparer tant de pâtes découvre que la gastronomie italienne n’est pas aussi reconnue que sa sœur française. Il s’agit plus d’une « cuisine de cœur et de famille ». Comme si les professionnels devaient ne s’intéresser qu’à la cuisine française. A l’Auberge de Condé, l’apprenti commence à cuisiner les poissons et les terrines et à connaître la cuisson des viandes et des crustacés. Il faut attendre les années 1970 ou 80 pour que la cuisine italienne commence à percer en France, notamment grâce à des produits comme la truffe noire et la truffe blanche d’Alba, dans le nord du Piémont.

 

Lorsque son apprentissage se termine, Pascal trouve une place de commis de cuisine au restaurant Taillevent, à Paris. Il le quittera rapidement pour effectuer son service militaire dans le sud de la France, avant de revenir à Paris, rue Lauriston, dans le restaurant de Paul Chêne. Il découvre chez ce chef, ami de son maître d’apprentissage, un grand amour pour l’Italie. A force d’en discuter avec lui, Pascal Fayet finit par apprendre qu’Alfredo Conti s’apprête à quitter son restaurant, le Conti, installé lui aussi dans la rue Lauriston.

 

Pascal est alors âgé de 24 ans. Il rachète le Conti et le dirige seul, à sa manière. C’est un peu plus tard qu’il se décidera à créer son propre restaurant. Un restaurant dans lequel il continuera à cuisiner à l’italienne, et qu’il pourra baptiser à sa guise, du nom de sa grand-mère.

 

Dans son restaurant, il cuisine des pâtes fraîches mais aussi des pâtes sèches. « La qualité d’une pâte provient de la semoule. Elle peut venir de plusieurs régions d’Italie, comme la Toscane, l’Ombrie ou la Ligurie », indique-t-il, avant d’insister sur l’importance de la cuisson « al dente », pour permettre par la suite aux pâtes de finir de cuire dans une sauce.

 

Ce que Pascal déteste, c’est la cuisine« chichiteuse ». « C’est une cuisine où l’on passe plus de temps à présenter son plat qu’à le cuisiner », s’explique-t-il. Lui préfère insister sur la préparation des produits. Il choisit toutes ses fines herbes, persil, ciboulette, estragon, basilic, en posant le nez dessus au marché pour en respirer les effluves. La viande, il aime la cuire à la plancha car cela permet de conserver la fraîcheur des aliments. L’huile d’olive, il la réserve pour après la cuisson, car une fois chauffée à plus de 80°, elle perd son petit goût d’olive. Il lui arrive tout de même de l’utiliser pour graisser l’eau de cuisson des pâtes et éviter ainsi qu’elles ne collent.

 

Rien d’étonnant à apprendre que Pascal Fayet  aime se promener dans les halles de Lyon pour leur côté « à la bonne franquette ». Encore moins à savoir que le chef du Sormani est passionné par le mythe de la tarte tatin, qui veut qu’elle ait été servie chaude et renversée par accident. Car le chef l’explique assez bien : ce qu’il sert dans son restaurant, c’est une cuisine de famille, et une cuisine qui a une histoire.