Julien Binz - Le Rendez-vous de chasse - Colmar

À la recherche de la voie lactée

« J'AI TOUJOURS TRAVAILLÉ POUR L'ÉTOILE »

Depuis 2010, Julien Binz dirige les cuisines du Rendez-vous de chasse, le restaurant gastronomique du Grand Hôtel Bristol, à Colmar. Celui que le Gault et Millau a désigné comme Jeune talent alsacien en 2006 rêvait d’être chef d’un restaurant étoilé qui lui laisserait carte blanche pour la cuisine. C’est désormais chose faite avec cet établissement, dans lequel il propose une cuisine proche du terroir et moderne dans une salle d’environ 50 couverts.

 

Alsacien pure souche, Julien Binz a passé son enfance dans la région de Strasbourg. Il découvre la cuisine en même temps que la gourmandise, grâce à son grand-père boulanger pâtissier et à ses brioches fraîches du dimanche.  Dès l’âge de 12 ans, il met les mains dans la pâte, préparant des gâteaux de Noël, des tartes et des brioches avec son grand-père. « J’adorais ça. C’était fabuleux, l’odeur du four, l’odeur de la pâtisserie », s’émerveille-t-il encore aujourd’hui. Julien aurait pu devenir pâtissier à son tour. Mais il commence son apprentissage à l’école hôtelière d’Illkirch, près de Strasbourg. Une école très réputée dans laquelle le jeune homme étudie pendant deux ans, alternant les cours avec des périodes en cuisine.

 

Son intérêt pour la cuisine gastronomique se développe plus tard, après l’école hôtelière. Il décroche son premier poste à Pain Adour et fantaisie, un établissement landais qui a obtenu deux étoiles au Michelin en deux ans seulement. Sous la direction de Didier Oudill, l’Alsacien apprend à cuisiner avec des produits dont il n’a pas l’habitude : « L’Alsace est très ancrée dans une cuisine à la crème et au beurre, des produits un peu plus lourds. J’ai découvert des saveurs que je ne connaissais pas du tout, ni à la maison, ni à l’école, et ça a été une révélation. »

 

 
 

Le jeune cuisinier sait qu’il veut élargir ses horizons et, surtout, travailler dans des maisons gastronomiques. Il décide de retourner à l’école hôtelière pour se former un peu plus. Erreur : en quelques mois seulement, il a appris tant de choses dans les Landes que les cours l’ennuient. Il trouve alors une place dans un restaurant étoilé de la région de Colmar, aux Armes de France. L’ambiance est familiale, la cuisine de Philippe Gaertner bourgeoise. « Une bonne maison pour entrer en matière », résume-t-il.

 

À 19 ans, il quitte les Armes de France pour un restaurant strasbourgeois, le Buerehiesel, dirigé à l’époque par Antoine Westermann. Julien Binz y entre comme commis. Au bout de deux ou trois mois, il se voit proposer une place de chef de partie. Il restera cinq ans dans ce restaurant. « J’étais présent lorsqu’il a eu ses trois étoiles », se rappelle-t-il.

 

Puis vient l’heure du service militaire. « J’étais responsable du mess des officiers sur la région de Strasbourg. Je ne cuisinais pas, mais j’étais en cuisine », raconte-t-il. Chanceux, Julien parvient à écourter son service militaire pour accepter une place de chef de partie à l’Auberge de l’Ill, à Illhaeusern, trois étoiles depuis une cinquantaine d’année. « J’y ai trouvé encore une autre manière de travailler. Chez Antoine Westermann, on travaillait de façon un peu militaire tandis que là, il y avait un côté humain et professionnel, tout en restant dans une quête qualitative de très haut niveau. » En cinq ans, Julien Binz a le temps de passer second de cuisine.

 

 

Il participe ensuite à l’ouverture d’une brasserie dans la région de Strasbourg. Mais il ne lui faut pas longtemps pour comprendre qu’il n’est pas fait pour ce type de cuisine. Au bout d’un an, une fois que l’établissement est lancé, que tout est organisé, Julien quitte la brasserie pour retourner à la gastronomie. Le chef de l’Auberge de l’Ill, Marc Haeberlin, l’aide dans sa recherche. Comme Julien souhaite faire de la cuisine de qualité, il l’oriente vers un petit établissement familial, l’Auberge d’Artzenheim. C’est dans cet établissement que Julien Binz se fait repérer par le Gault et Millau et se voit décerné le titre de Jeune talent en 2006. La même année, les patrons du restaurant prennent leur retraite et ferment l’établissement. Le jeune chef est contraint de partir. « Ce sont les premières personnes qui m’ont permis de m’exprimer pleinement en me donnant ma première place de chef, s’émeut-il. J’avais carte blanche pour faire la cuisine que je voulais. C’était ma signature. »

 

Un nouvel univers attend le jeune chef alsacien au Château d’Isenbourg, à Rouffach. L’organisation du restaurant est complètement différente de ce qu’il a fréquenté jusqu’alors, et pour cause : l’établissement peut accueillir jusqu’à 300 couverts par service. Julien Binz découvre la gestion de la marchandise, des produits et des coûts, mais aussi de la cuisine. De plus, les horaires commencent à être plus réglementés. Après 2 ans, il finit par quitter ces cuisines. « Mon objectif, depuis le début, c’était l’étoile Michelin. J’ai toujours travaillé pour cela », se justifie-t-il.

 

En 2009, il crée un journal en ligne dans lequel il traite l’actualité de la gastronomie en Alsace. Rapidement, ce journal gagne en visibilité et en notoriété dans la profession et auprès du grand public. Il permet à Julien de rencontrer Emile Jung, le chef du Crocodile, à Strasbourg. 

 

 

C’est lui qui, en 2010, lui propose une place dans un établissement étoilé depuis 1977. « Il y a une place pour toi et il faut absolument la prendre », lui conseille-t-il. Cet établissement, c’est le Rendez-vous de chasse, au Grand hôtel Bristol, en face de la gare. « Pour l’instant, l’étoile est toujours là », se félicite Julien Binz.

 

Les viandes, produits phares de la maison, viennent de Colmar. Mais pour l’agneau, le chef consent à quitter un peu l’Alsace. L’Aveyron et le Limousin proposent selon lui un agneau d’une grande finesse à cuisiner au moment de Pâques, pas seulement par tradition mais parce que les brebis mettent bas en début d’année et que c’est au printemps que la viande d’agneau est la meilleure.

 

Julien Binz fait appel à la Maison Spiegel pour faire venir l’agneau en Alsace. Ce sont les mêmes fournisseurs qui lui livrent les volailles cuisinées au Rendez-vous de chasse. « Ils se fournissent chez des petits éleveurs exclusivement. Ils n’utilisent pas d’élevage intensif ou de grosses productions. Ce ne sont que des petits artisans, et on n’est d’ailleurs pas sûr d’avoir les mêmes producteurs au début et à la fin de la saison sur un même produit », raconte le chef. Comme le gibier, les volailles sont cuisinées en fonction des saisons, de manière à offrir la meilleure qualité de produit possible.

 

L’établissement gastronomique propose aussi du pigeonneau d’Alsace Duewhof. Julien Binz le prend à la ferme Kieffer, dans le village de Nordhouse, à une quinzaine de kilomètres de Strasbourg. L’éleveur travaille en famille et abat sur commande les volatiles qu’il a engraissés avec son propre maïs. Le chef les prépare fumés avec une compotée d’oignons en vinaigre et des cromesquis panés.

 

Et pour accompagner le repas, Julien Binz va chercher du pain cuit au feu de bois à l’ancienne. Anecdote amusante pour celui qui a grandi comme petit-fils d’un boulanger pâtissier : la boulangerie qu’il a choisie à Colmar s’appelle Au pain de mon grand-père… Ou comment garder la tête dans les étoiles de la tradition…